J.O. 139 du 17 juin 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2006-A-4 du 13 juin 2006 de la Commission des participations et des transferts relatif à l'ouverture minoritaire du capital de Aéroports de Paris


NOR : ECOX0609375V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettres du 9 février et du 22 mai 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en application de l'article 3 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 modifiée, a saisi la commission en vue de procéder à l'ouverture minoritaire du capital de la société Aéroports de Paris autorisée par le décret no 2006-575 du 22 mai 2006. L'article L. 251-1 du code de l'aviation civile dispose que l'Etat doit continuer de détenir plus de 50 % du capital de Aéroports de Paris.

L'ouverture porte sur 33 % au maximum du capital de la société. Pour 57 % de son montant, elle consisterait en une cession d'actions par l'Etat et pour 43 % en la vente d'actions nouvelles émises par Aéroports de Paris par voie d'augmentation de capital. Le nombre d'actions cédées et émises est fixé par l'arrêté du 30 mai 2006 fixant les modalités de transfert au secteur privé d'une participation minoritaire de la société Aéroports de Paris. L'opération comprend selon l'usage du marché une option de surallocation et une clause d'extension.

Les actions cédées sur le marché font l'objet d'une offre publique à prix ouvert (OPO) en France et d'un placement institutionnel, en France et sur le marché international, garanti par un syndicat bancaire (PGG). Les particuliers souscrivant à l'OPO bénéficieront d'une réduction de 1 euro par action ainsi que de la gratuité des droits de garde pendant dix-huit mois. Les conditions détaillées de la cession sont décrites dans la note d'opération qui a été visée par l'Autorité des marchés financiers le 30 mai 2006.

L'ouverture de capital comprend, dans la limite de 10 % de son montant, une offre aux salariés dans les conditions prévues aux articles 11 à 14 de la loi du 6 août 1986 précitée. Les actions remises aux salariés seront cédées par l'Etat. La commission a émis le 14 février 2006 un avis favorable sur les modalités de cette offre.

II. - Aéroports de Paris a été constitué en 1945 sous forme d'établissement public national afin d'aménager, exploiter et développer des aéroports civils dans la région parisienne. La loi no 2005-357 du 20 avril 2005 l'a transformé en société anonyme, lui a reconnu la pleine propriété des actifs et lui a conféré une licence d'exploitation à durée indéterminée.

Aéroports de Paris est la deuxième société aéroportuaire d'Europe et la sixième au monde en nombre de passagers. La société possède et exploite les trois principaux aéroports de la région parisienne :

Paris - Charles-de-Gaulle (Roissy), inauguré en 1974 et fortement développé depuis, assure la presque totalité des liaisons commerciales long-courrier et intercontinentales, ainsi que des liaisons moyen-courrier vers l'Europe. Avec 54 millions de passagers et plus de 510 000 mouvements d'avions en 2005, il constitue le deuxième aéroport européen. Doté d'une vaste emprise foncière (3 250 hectares), de trois terminaux passagers et de quatre pistes, Roissy est la plate-forme d'activité (« hub ») du groupe Air France-KLM et de l'alliance Sky Team, et aussi un hub important de fret. Il dispose encore d'un fort potentiel de développement ;

Paris-Orly est le deuxième aéroport français - le dixième en Europe - avec 25 millions de passagers et 220 000 mouvements d'avions. Il offre un réseau de desserte court et moyen-courrier sur la France, les DOM-TOM, l'Europe et l'Afrique du Nord. Il dispose de deux terminaux et de deux pistes mais son développement est limité par les contraintes environnementales ;

Paris-Le Bourget, qui, créé en 1923, est le plus ancien des trois, est dédié depuis 1981 à l'aviation d'affaires et il est devenu le premier aéroport d'Europe de ce secteur, avec 120 000 passagers en 2005.

Aéroports de Paris possède et gère également dix autres aérodromes d'aviation civile, essentiellement de loisirs, situés en Ile-de-France, et il assure la gestion de l'héliport d'Issy-les-Moulineaux.

III. - Le groupe Aéroports de Paris distingue quatre segments dans ses activités :

- les services aéroportuaires (75 % du chiffre d'affaires) regroupent les activités de gestion des pistes et des aérogares (60 %) ainsi que les services annexes, en particulier les commerces et parkings (15 %) ;

- la valorisation et la gestion du patrimoine foncier hors aérogares (8 %) ;

- les services d'assistance en escale aux compagnies aériennes (8 %) ;

- les activités diverses : télécommunications, ingénierie... (9 %).

Le chiffre d'affaires d'Aéroports de Paris se répartit comme suit en fonction de la nature des recettes :

- les redevances pour services rendus : 45 % ;

- la taxe d'aéroport, qui finance le coût des dépenses de sûreté : 19 % ;

- les autres recettes : 36 %.

Les redevances pour services rendus comprennent les quatre redevances aéronautiques définies aux articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de l'aviation civile (et accessoirement des redevances spécialisées) :

- la redevance d'atterrissage des aéronefs ;

- la redevance de stationnement des aéronefs ;

- la redevance par passager ;

- la redevance pour usage des installations fixes de balisage et de distribution de carburants d'aviation.

Les deux premières de ces redevances représentent plus de 70 % du total.

Les conditions dans lesquelles sont déterminées les redevances ont été fixées par la loi du 20 avril 2005, le décret no 2005-827 du 20 juillet 2005 et l'arrêté du 16 septembre 2005 relatif aux redevances pour services rendus sur les aérodromes. Pour les aérodromes d'Aéroports de Paris, ces textes prévoient qu'un contrat pluriannuel est passé entre l'Etat et la société et ils définissent le périmètre d'activité - dit « périmètre régulé » - dans lequel est appréciée la juste rémunération de l'entreprise. Le périmètre de régulation comprend l'ensemble des activités, déduction faite de celles de sûreté, de l'assistance en escale, de la diversification immobilière et des autres activités de diversification.

Dans ce système, dit de « simple caisse », les tarifs des redevances aéronautiques sont fixés en fonction de l'ensemble des revenus du « périmètre régulé » de telle sorte que le résultat opérationnel de cet ensemble permette de rémunérer les capitaux investis au coût moyen pondéré du capital.

Le contrat de régulation économique a été conclu entre l'Etat et Aéroports de Paris le 6 février 2006. Il fixe en particulier, sur la période 2006-2010 et en référence au programme d'investissements prévus, le plafond du taux moyen d'évolution des principales redevances pour services rendus. Il détermine en outre les objectifs de qualité de service. Aux termes de ce contrat, l'évolution des recettes globales provenant des redevances est plafonnée à 3,25 % par an hors inflation (5 % pour 2006, inflation incluse). A partir de 2007, le taux d'évolution des redevances pourra être ajusté en fonction des évolutions effectives du trafic, des investissements et de la qualité du service.


Pour les contrats ultérieurs, l'arrêté du 16 septembre 2005 prévoit la possibilité que certaines activités commerciales ou immobilières sortent de la « simple caisse », ce qui permettrait à Aéroports de Paris de bénéficier pleinement du progrès de la rentabilité de ces activités.

Des recours devant le Conseil d'Etat ont été déposés contre le contrat de régulation économique par les associations nationales et internationales de transporteurs aériens.

IV. - Durant l'exercice 2005, dont les comptes ont été publiés pour la première fois suivant les normes européennes IFRS, Aéroports de Paris a réalisé un chiffre d'affaires de 1,9 milliard d'euros, en progression de 5,7 % par rapport à 2004. L'année 2005 a été caractérisée par un nombre record de passagers (78,7 millions, + 4,4 %), grâce à l'accroissement de la capacité d'emport et du taux de remplissage des avions, le nombre de mouvements d'aéronefs ayant été globalement stable. La croissance du trafic est venue pour l'essentiel des vols internationaux et plus particulièrement intercontinentaux. L'activité cargo a pour sa part progressé de 6,4 %. L'augmentation des produits d'Aéroports de Paris a résulté de la conjonction de la croissance de l'activité et de la hausse des tarifs des redevances (+ 4 % au 1er février 2005). Les produits des parcs de stationnement automobiles et des filiales ont fortement progressé tandis que les produits commerciaux (boutiques) et de l'assistance en escale stagnent ou déclinent légèrement.

Le résultat brut d'exploitation (EBITDA) progresse en 2005 de 9,1 % pour atteindre 592 millions d'euros et le résultat opérationnel courant s'inscrit à 331 millions, en hausse de 14 %. Les charges de personnel ont fortement augmenté (11,3 %) en raison notamment de l'intégration de plusieurs filiales.

Le résultat net, part du groupe, s'établit à 180 millions d'euros, soit en hausse de 25 %. Hors impact des éléments exceptionnels (produits d'assurance) liés à l'accident du terminal 2 E de Roissy, la hausse est de 2,3 %.

Le bilan consolidé de Aéroports de Paris au 31 décembre 2005 fait apparaître des capitaux propres, part du groupe, de 2 milliards d'euros, en augmentation de 9,8 % par rapport au 31 décembre 2004, grâce principalement à l'incorporation du résultat 2004. Le montant de l'endettement net s'établit à 2,3 milliards d'euros, soit une diminution de 1,5 %. Le ratio dette financière nette sur capitaux propres est de 1,13.

Aéroports de Paris a annoncé pour le premier trimestre 2006 un chiffre d'affaires en hausse de 4,2 % par rapport à la même période de 2005. Comme durant l'exercice 2005, cette croissance s'explique principalement par la hausse du trafic et par le relèvement des tarifs des redevances précédemment mentionné. La forte progression des produits des filiales s'est poursuivie tandis que les recettes de l'assistance en escale, affectées par la perte de clients en 2005, ont marqué un net retrait de 8,3 %. Les produits commerciaux augmentent faiblement tandis que les recettes locatives sont en hausse (+ 15 %).

V. - Aéroports de Paris ambitionne d'être le système aéroportuaire le plus attractif d'Europe. Il définit sa stratégie de croissance rentable autour de six grandes orientations :

a) Tirer parti de la croissance attendue du trafic en développant les capacités aéroportuaires : Aéroports de Paris prévoit à cet effet 2,7 milliards d'euros d'investissements sur la période 2006-2010 pour renforcer le hub de CDG 2 par la construction de nouvelles infrastructures, pour rénover des terminaux existants (CDG 1, Orly Sud et Ouest) et pour créer un système automatique de transport interne à Paris - Charles-de-Gaulle ;

b) Enrichir en contenu, en valeur et en qualité l'offre de services, grâce notamment au développement de l'offre de services marchands et à l'augmentation et l'amélioration des parcs de stationnement automobiles ;

c) Renforcer l'efficacité et la performance économique de façon durable en profitant d'un cadre réglementaire stable : le groupe se fixe l'objectif d'améliorer la productivité, mesurée en passagers traités par employés, d'environ 15 % d'ici 2010, et d'augmenter son EBITDA de 45 à 50 % d'ici cette date ;

d) Valoriser son savoir-faire en dehors des aéroports parisiens : la conclusion de partenariats industriels sera recherchée dans des zones à forte croissance, sans engager de capitaux importants ;

e) Exploiter le potentiel très important de ses réserves foncières à travers le développement de bureaux, commerces et services de fret sur une surface de 60 hectares d'ici 2010, représentant plus de 315 000 m² commercialisables ;

f) Inscrire la croissance du groupe dans la dynamique du développement durable, notamment par l'attention portée aux impacts environnementaux des activités des aéroports.

VI. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation d'Aéroports de Paris en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

A cette fin, elle a disposé des rapports des banques conseils de l'Etat et de celles de l'entreprise, qui ont retenu en l'espèce trois méthodes d'évaluation :

- les comparaisons boursières : les multiples moyens des sociétés cotées comparables ont été appliqués aux agrégats financiers d'Aéroports de Paris. Les banques conseils ont retenu comme comparables les grandes sociétés aéroportuaires européennes et ont privilégié la comparaison avec les sociétés allemande et britannique Fraport et BAA (avant l'annonce de l'offre publique d'achat de Ferrovial). Les multiples d'EBITDA ont été privilégiés, sur les années 2006 et 2007 ;

- la somme des parties : les banques conseils ont évalué par l'actualisation des flux de trésorerie les actifs du périmètre de régulation sur la base d'un plan d'affaires élaboré par Aéroports de Paris jusqu'en 2015. Les actifs de l'immobilier de diversification ont été estimés suivant plusieurs méthodes et en faisant l'hypothèse de la sortie de ces actifs du périmètre régulé en 2010. La valeur terminale a été déterminée soit à partir d'un flux normatif avec l'hypothèse d'une croissance à l'infini, soit par l'application d'un multiple à l'EBITDA ou aux capitaux employés du périmètre de régulation ;

- la banque conseil de l'Etat a présenté de plus une évaluation selon la méthode de la base d'actifs régulés, avec une hypothèse de surperformance par rapport aux plans d'affaires futurs de régulation.

Le résultat des évaluations est sensible à différents facteurs, et en particulier aux méthodes retenues pour l'estimation de l'immobilier et des réserves foncières importantes du groupe.

La commission a constaté que les synthèses de valorisation présentées par les banques conseils de l'Etat et les banques conseils de l'entreprise sont suffisamment convergentes.

VII. - La commission observe qu'Aéroports de Paris présente des atouts importants. Deuxième système aéroportuaire d'Europe, il est le siège du hub du groupe Air France-KLM et une plate-forme clef européenne de l'alliance Sky Team. Grâce en particulier à l'étendue de son emprise foncière, l'aéroport Roissy - Charles-de-Gaulle dispose de capacités de développement uniques par rapport à ses homologues en Europe qui lui permettront de bénéficier de la croissance attendue du trafic aérien dans les prochaines années. Les réserves foncières non consacrées à l'aéronautique offrent également des perspectives significatives de développement dans l'immobilier de diversification, les bureaux et les commerces. Par ailleurs, le contrat de régulation économique conclu par Aéroports de Paris avec l'Etat fournit visibilité et cadre stable pour les années à venir s'agissant des activités régulées.

Aéroports de Paris doit entreprendre des efforts d'amélioration de la productivité et de la qualité des services. La réalisation effective de ces objectifs est la condition de la progression attendue de la rentabilité.

Comme le secteur des « utilities » (indice DJ Euro Stoxx Utilities) dans son ensemble, les actions des sociétés aéroportuaires européennes (BAA, Fraport, Copenhague, Vien, Unique-Zurich) ont connu une forte hausse de leurs cours depuis deux ans du fait de l'intérêt marqué des investisseurs pour des valeurs aux revenus récurrents ayant un caractère défensif. Cette hausse s'est accentuée sur les cinq derniers mois avec l'offre publique lancée par Ferrovial sur BAA et qui a porté l'ensemble du secteur. Une correction est toutefois intervenue sur les dernières semaines avec la baisse d'ensemble du marché boursier. Si l'action de Fraport a connu un recul significatif, BAA s'est toutefois inscrit à nouveau en nette hausse avec le relèvement final de l'offre de Ferrovial.

De nombreux analystes ont publié des études sur Aéroports de Paris. Ils soulignent le caractère défensif du titre (visibilité des flux, résistance à un retournement de cycle), le positionnement favorable du groupe (attractivité de la région parisienne, force du hub Air France-KLM), le potentiel immobilier et la possibilité de bénéficier au mieux des perspectives de croissance du trafic. Ils estiment toutefois que plusieurs de ces atouts, en particulier l'immobilier, doivent encore être concrétisés par le groupe pour aboutir à une création de valeur effective.

Enfin, les informations communiquées à la commission sur le montant des souscriptions jusqu'à ce jour montrent que l'action Aéroports de Paris est recherchée tant par les investisseurs institutionnels que par les particuliers.

VIII. - Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de Aéroports de Paris ne saurait être inférieure à 44 euros par action, soit environ 3,75 milliards d'euros pour les 85 361 500 actions composant le capital social avant l'augmentation de capital.